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Imaginez ce scénario: vous vous inscrivez pour participer à une étude scientifique sur la mémoire et l’apprentissage dans une université.

Votre rôle est celui d’“Enseignant,” et un “Expérimentateur” en blouse vous présente à votre “Apprenti.”

Vous êtes ensuite placé devant un générateur de chocs électriques. Votre Apprenant est assis dans une pièce voisine, où il est branché à des électrodes. Vous pouvez l’entendre, mais vous ne pouvez pas le voir.

L’Experimentateur vous indique de donner à votre Apprenant une série de paires de mots. Vous devez tester l’Apprenant en lui disant un lot et en lui demandant de se rappeler quelle est son partenaire/sa paire à partir d’une liste de quatre choix possibles.

Si et quand votre Apprenant ne donne pas la bonne réponse, vous devez lui administrer un choc électrique contrôlé à distance. La sévérité des chocs augmente avec le nombre de mauvaises réponses.

Votre Apprenant répond juste aux premières questions, puis commence à se tromper. Comme il continue de donner des réponses incorrectes, on vous donne l’instruction d’administrer des chocs d’intensité croissante. L’apprenant commence à objecter et crie de douleur.

L Expérimentateur vous ordonne de continuer à faire le test et les chocs et vous assure que bien que les chocs puissent être douloureux, l’Apprenant n’aura pas de dommages permanents aux tissus.

Continuerez-vous, ou arrêteriez-vous l’expérimentation ?

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C’est la question à laquelle le psychologie social Stanley Milgram voulait répondre quand il a mené l’expérimentation décrite ci-dessus.

Ses découvertes furent surprenantes et perturbantes : la tendance à obéir aux figures autoritaires est forte, peu importe à quel point les ordres peuvent être dangereux.

Les recherches de Milgram sur l’obéissance aux figures d’autorité commença en Juillet 1961, dans le sous-sol de Linsly-Chittenden Hall à l’Université Yale, trois mois après le début du jugement du criminel de guerre Nazi Adolf Eichmann.

Les séries d’expérimentation psychologiques de Milgram ont été faites pour répondre à une question populaire de ce moment particulier : “Est -il possible que Eichmann et ses millions de complices aient juste suivi les ordres pendant l’Holocauste ? Pouvons-nous dire qu’ils étaient tous complices?” Il voulait savoir si les Allemands étaient particulièrement obéissants aux figures d’autorité, car il s’agissait là d’une explication courante des meurtres perpétrés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ses découvertes furent surprenantes et perturbantes.

L’Expérience

Milgram a utilisé une annonce dans un journal pour recruter les participants à l’étude. On a dit aux répondants que le but de l’expérience était d’étudier les effets de la punition sur les capacités d’apprentissage.

Trois personnes étaient présentes à chaque session: l’Expérimentateur, qui était l’autorité responsable de l’expérience; l’Enseignant (qui devait obéir aux instructions de l’Expérimentateur et qui était en fait le sujet de l’expérience); et l’Apprenant, qui était un acteur faisant semblant d’être volontaire.

Le sujet et l’acteur choisissait tous deux un bout de papier pour déterminer leurs rôles, mais à l’insu du sujet, les deux bouts de papier disaient: »Enseignant ». L’acteur prétendait toujours avoir le bout de papier qui disait « Apprenant », garantissant que le sujet était toujours « Enseignant ».

Après une brève introduction, l’Apprenant était emmené dans une pièce et des électrodes étaient attachées à ses bras, et l’Enseignant et l’Expérimentateur entraient dans une pièce voisine qui contenait un générateur de chocs électriques. L’Enseignant et l’Apprenant pouvaient communiquer, mais ne pouvaient pas se voir.

Avant de commencer le test proprement dit, l’Enseignant recevait un échantillon de choc électrique du générateur d’électrochocs afin de faire l’expérience directe du choc que l’Apprenant ressentirait supposément pendant l’expérience. L’Enseignant recevait ensuite une liste de paires de mots qu’il devait enseigner à l’apprenant. L’Enseignant commençait par lire la liste des paires de mots à l’Apprenant, puis lisait le premier mot de chaque paire et quatre réponses possibles. L’Apprenant appuyait sur un bouton pour indiquer sa réponse. Si la réponse était incorrecte, l’Enseignant devait administrer un choc à l’Apprenant, la tension augmentant par incréments de 15 volts pour chaque mauvaise réponse. Si elle était correcte, l’Enseignant lisait la paire de mots suivante.

Les niveaux de chocs étaient étiquetés de 15 à 450 volts. Outre l’échelle numérique, des propositions ajoutaient à l’aspect effrayant de la machine. À partir de l’extrémité inférieure, les niveaux de secousses étaient marqués comme suit: » choc léger « , » choc modéré « , » choc fort « , » choc très fort « , » choc intense  » et  » choc d’intensité extrême « . Les deux possibilités suivantes  étaient : “Danger: Choc Grave,” et ensuite, un simple mais angoissant “XXX.”

Les Enseignants croyaient que pour chaque mauvaise réponse, l’Apprenant recevait des chocs réels. En réalité, il n’y avait pas  de chocs. Après que l’Apprenant était séparé de l’Enseignant, le comédien allumait un magnétophone intégré au générateur d’électrochocs. Il jouait des sons préenregistrés pour chaque niveau de choc.

Après un certain nombre d’augmentations du niveau de tension, l’acteur commençait à protester bruyamment et à frapper contre le mur qui le séparait du sujet. Après avoir tapé plusieurs fois sur le mur et exprimé des inquiétudes au sujet d’un problème cardiaque, toutes les réponses de l’Apprenant cesseraient. On demandait aux Enseignants de considérer le silence comme une mauvaise réponse et d’appliquer le niveau de choc suivant à l’Apprenant.

Lorsque les Enseignants demandaient d’arrêter l’expérience ou exprimaient des inquiétudes à l’égard de l’Apprenant, l’Expérimentateur leur donnait une succession de remarques, dans cet ordre:

  1. Continuez, s’il vous plaît.
  2. L’expérience exige que vous continuiez.
  3. Il est absolument essentiel que vous continuiez.
  4. Vous n’avez pas le choix, vous devez continuer.

Si l’Enseignant insistait pour s’arrêter après les quatre coups de fouet verbaux successifs, l’expérience prenait fin. Si ce n’était pas le cas, elle était interrompue après que l’Enseignant eut donné le choc maximal de 450 volts trois fois de suite.

L’Expérimentateur donnait également des éléments spéciaux si l’Enseignant faisait des commentaires spécifiques. Par exemple, si l’Enseignant demandait si l’Apprenant pouvait subir un préjudice physique permanent, l’expérimentateur répondait: »Bien que les chocs puissent être douloureux, il n’y a pas de dommages permanents aux tissus, alors continuez s’il-vous-plaît ». Si l’Enseignant disait que l’Apprenant voulait clairement arrêter, l’Expérimentateur répondait: »Que cela plaise ou non à l’Apprenant, vous devez continuer jusqu’ à ce qu’il ait appris toutes les paires de mots correctement, alors continuez s’il vous plaît » Si l’Enseignant demandait qui était responsable de tout effet négatif, l’Expérimentateur répondait: »J’assumerai la responsabilité. »

Avant d’effectuer ses recherches, Milgram avait demandé aux étudiants de Yale et à 40 psychiatres de prédire les résultats des études et avait constaté qu’ils étaient presque tous d’accord pour dire que pratiquement personne ne continuerait jusqu’au bout de la gamme du générateur de chocs. Dans les enquêtes subséquentes, les personnes qui avaient reçu plus de détails sur la procédure ont quand même estimé que les taux d’obéissance seraient inférieurs à ceux des résultats réels.

Les résultats choquants

Quelques-uns des Enseignants ont refusé de continuer à donner les chocs très tôt, malgré l’insistance de l’Expérimentateur. C’est le type de réponse auquel Milgram s’attendait comme norme.

Mais les résultats globaux ont été surprenants: dans la première série d’expériences, 65% des Enseignants étaient prêts à donner des chocs électriques allant jusqu’ à 450 volts – le niveau maximum – à leurs Apprenants. Tous les participants ont continué à utiliser au moins 300 volts.

Certains sujets se sont arrêtés à 135 volts et ont commencé à remettre en question le but de l’expérience. La plupart des Enseignants ont montré des signes de tension et de nervosité, et certains ont commencé à rire nerveusement ou à montrer d’autres signes de stress extrême quand ils ont entendu les cris de douleur venant de l’Apprenant. Quelques-uns pensaient qu’ils avaient tué l’Apprenant.

Mais certains semblaient froids, arrogants, robotisés et rigides tout au long de l’expérience.

Milgram a résumé les résultats dans son article de 1974, Les Périls de l’Obéissance:

Les aspects juridiques et philosophiques de l’obéissance sont d’une importance énorme, mais ils en disent très peu sur la façon dont la plupart des gens se comportent dans des situations concrètes. J’ai mis sur pied une simple expérience à l’Université Yale pour tester la douleur qu’un simple citoyen infligerait à une autre personne simplement si un scientifique expérimental lui en donnait l’ordre. L’autorité absolue était opposée aux impératifs moraux les plus forts des sujets [participants] contre le fait de blesser les autres et, avec les cris des victimes résonnant dans les oreilles des sujets [participants], l’autorité gagnait le plus souvent. L’extrême volonté des adultes de suivre presque tous les ordres d’une autorité constitue la principale conclusion de l’étude et le fait le plus urgent demandant une explication.

Les gens ordinaires, faisant simplement leur travail, et sans hostilité particulière de leur part, peuvent devenir des agents dans un processus destructeur terrible. De plus, même lorsque les effets destructeurs de leur travail deviennent évidents et qu’on leur demande de mener des actions incompatibles avec les normes morales fondamentales, relativement peu de gens disposent des ressources nécessaires pour résister à l’autorité.

En général, les Enseignants étaient plus conciliants lorsque (1) la figure d’autorité était à proximité; (2) les Enseignants estimaient qu’ils pouvaient transmettre la responsabilité à d’autres; et (3) des expériences qui avaient lieu avec l’aval d’une organisation respectée.

Milgram a divisé les participants en trois catégories:

  • Obéissant mais en se justifiant. Certains participants obéissants ont renoncé à la responsabilité de leurs actes, accusant l’Expérimentateur. Si quelque chose était arrivé à l’Apprenant, disaient-ils, ce serait la faute de l’Expérimentateur. D’autres avaient transféré le blâme à l’Apprenant: »Il était si stupide et têtu qu’il méritait de recevoir les chocs. »
  • Obéissant mais en se blâmant. D’autres se sentaient mal de ce qu’ils avaient fait et étaient très durs envers eux-mêmes. Les membres de ce groupe seraient peut-être plus susceptibles de contester l’autorité s’ils étaient confrontés à une situation similaire à l’avenir.
  • Rebelle. Enfin, des sujets rebelles ont remis en question l’autorité de l’Expérimentateur et ont soutenu qu’il y avait un impératif éthique plus grand appelant à la protection de l’Apprenant par rapport aux besoins de l’expérimentateur. Certaines de ces personnes estimaient devoir rendre des comptes à une autorité supérieure.

Explications possibles du comportement des participants

Milgram a expliqué les actions de ses participants en suggérant que les gens ont deux sortes de comportement lorsqu’ils se trouvent dans une situation sociale:

  • L’État autonome: Les gens dirigent leurs propres actions, et ils assument la responsabilité des résultats de ces actions.
  • L’état d’agent: Les gens permettent aux autres de diriger leurs actions, et puis de transférer la responsabilité des conséquences à la personne donnant les ordres. En d’autres termes, ils agissent comme des agents de la volonté d’une autre personne.

Milgram a suggéré que deux choses doivent être en place pour qu’une personne puisse entrer dans l’état d’agent:

  • La personne qui donne les ordres est perçue comme étant qualifiée pour diriger le comportement des autres. Autrement dit, elle est considérée comme légitime.
  • La personne visée par l’ordre est en mesure de croire que l’autorité acceptera la responsabilité de ce qui se passe.

La théorie de l’Agence dit que les gens obéiront à une autorité lorsqu’ils croiront que l’autorité assumera la responsabilité des conséquences de leurs actes. Cela est confirmé par certains aspects des preuves de Milgram. Par exemple, lorsqu’on a rappelé aux Enseignants qu’ils étaient responsables de leurs propres actions, presque aucun d’entre eux n’était prêt à obéir. En revanche, de nombreux Enseignants qui hésitaient à continuer le faisaient si l’Expérimentateur disait qu’il en assumerait la responsabilité.

Variations d’étude

Milgram a par la suite effectué plusieurs variations sur son expérience:

  • Dans l’une d’elles, l’Apprenant n’était pas seulement visible, mais on a demandé aux Enseignants de mettre de force la main de l’Apprenant sur la plaque à chocs pour qu’ils puissent infliger la punition. L’obéissance des enseignants a chuté de 30% dans cette expérience.
  • Dans une autre variante, on a demandé aux Enseignants d’appliquer la tension qu’ils souhaitaient aux réponses incorrectes. Les Enseignants utilisaient en moyenne 83 volts et seulement 2,5 % des participants utilisaient les 450 volts disponibles.
  • Pour l’expérience originale, l’Expérimentateur portait un blouse blanche comme symbole de son autorité (une sorte d’uniforme). Milgram a effectué une variation dans laquelle l’Expérimentateur était appelé pour prendre un appel téléphonique au début de l’expérience. Le rôle de l’Expérimentateur a ensuite été repris par un « simple citoyen » – un acteur en tenue de tous les jours, plutôt qu’une blouse de laboratoire. Le niveau d’obéissance est tombé de 20%.
  • Un changement de lieu a été testé dans une autre variante. L’expérience était transférée de l’impressionnant laboratoire de l’Université de Yale à un ensemble de bureaux délabrés. L’obéissance a chuté de 47,5%.
  • Lorsque l’Expérimentateur répondait à des demandes par téléphone, les Enseignants étaient moins susceptibles d’obéir. Mais quand l’Expérimentateur retournait au laboratoire, il était souvent capable d’inciter l’Enseignant à se conformer.
  • Des figures d’autorité en conflit ont mis fin à l’action. Lorsque deux Expérimentateurs de statut égal étaient assis au poste de commandement et donnaient des ordres incompatibles, les Enseignants ont cessé de livrer des chocs.
  • Trois Enseignants (deux acteurs et un sujet réel) ont administré un test et des chocs dans une autre variation. Lorsque les deux acteurs ont désobéi à l’Expérimentateur et ont refusé d’aller au-delà d’un certain niveau de choc, la plupart des sujets ont suivi: 7,5% des participants ont refusé de continuer dès que l’enseignant 1 arrêtait, 30% ont refusé de continuer immédiatement après que l’enseignant 2 arrêtait, et seulement 10% ont continué jusqu’ à la fin de l’étude.
  • Dans une variante que Milgram a qualifié de  » dilemme plus courant dans la vie de tous les jours « , les Enseignants n’ont pas administré les chocs eux-mêmes : ils se sont contentés d’administrer le test de la paire de mots. Une autre personne a administré les chocs. Dans cette expérience, 37 adultes sur 40 ont continué jusqu’au plus haut niveau du générateur de chocs. Ils ont excusé leur comportement en disant que la responsabilité revenait à l’homme qui avait appuyé sur l’interrupteur. Milgram a commenté: »Cela peut illustrer un arrangement dangereusement typique dans une société complexe: il est facile d’ignorer la responsabilité quand on n’est qu’un maillon intermédiaire dans une chaîne d’action.

En 1974, Milgram dit:

Avec une régularité engourdissante, on voyait de bonnes personnes tomber sous l’emprise de l’autorité et accomplir des actes impitoyables et sévères. Les hommes responsables et raisonnables dans la vie de tous les jours ont été séduits par les pièges de l’autorité, par le contrôle de leurs perceptions, et par l’acceptation sans critique de la définition de la situation donnée par l’expérimentateur, pour accomplir des actes durs. Une grande partie des gens font ce qu’on leur dit de faire, quel que soit le contenu de l’acte et sans limitation de conscience, tant qu’ils perçoivent que le commandement vient d’une autorité légitime.

Recherches et opinions actuelles

Dr. Thomas Blass est un expert en obéissance à l’autorité et des travaux de Stanley Milgram. Lorsqu’on lui a demandé si Milgram trouverait moins d’obéissance s’il menait ses expériences aujourd’hui, il a répondu,

J’en doute. Pour aller au-delà de la spéculation sur cette question, j’ai effectué l’analyse statistique suivante. J’ai rassemblé toutes les expériences d’obéissance standard de Milgram et les répliques réalisées par d’autres chercheurs. Les expériences ont duré 25 ans, de 1961 à 1985. J’ai fait une analyse de corrélation entre l’année de publication de chaque étude et le niveau d’obéissance trouvé. J’ai trouvé une corrélation zéro, c’est-à-dire aucune relation. En d’autres termes, en moyenne, les études ultérieures n’ont pas trouvé plus ou moins d’obéissance que les études antérieures.

En 2006, le psychologue social Jerry M. Burger a reproduit l’expérience de Milgram, avec quelques changements mineurs: il n’ a pas permis aux enseignants de dépasser le niveau de choc de 150 volts pour des raisons éthiques, et il a fait quelques adaptations procédurales qui auraient dû permettre aux participants de résister plus facilement à l’autorité. Il a choisi la marque de 150 volts parce que dans les expériences de Milgram, 79 % des personnes qui ont continué à dépasser 150 volts (26 sur 33) sont allées jusqu’ à 450 volts – la fin de la gamme du générateur de choc. L’interrupteur de 150 volts est en quelque sorte un point de non-retour.

Les résultats de Burger étaient presque identiques à ceux de Milgram: 70% des participants étaient prêts à continuer avec le prochain item du test après avoir atteint la marque de 150 volts et ont dû être arrêtés par l’Expérimentateur. Ce taux est légèrement inférieur au pourcentage de ceux qui ont continué au-delà du point de 150 volts dans l’expérience de Milgram (82,5 %), bien que la différence n’ait pas été statistiquement significative.

Comme Milgram, Burger n’a trouvé aucune différence de comportement entre les sexes.

Burger a évalué la tendance des participants à faire preuve d’empathie. Il a constaté que même si les gens qui étaient très préoccupés par l’empathie exprimaient de la réticence à poursuivre l’intervention plus tôt que ceux qui étaient peu sensibles à ce trait de caractère, cela ne les empêchait pas de continuer. Cette constatation dissipe l’idée qu’un manque d’empathie explique les taux élevés d’obéissance dans les études de Milgram.

Dans son article Répliquer Milgram: les gens obéiraient-ils encore aujourd’hui? M. Berger évoque les raisons possibles pour lesquelles les participants sont si conciliants.

Il décrit quatre caractéristiques de l’expérience qui ont probablement contribuées aux taux élevés d’obéissance:

  • Obéissance à l’autorité: Notre culture socialise les individus pour qu’ils obéissent à certaines figures d’autorité, comme les policiers, les enseignants et les parents. Les Expérimentateurs de Milgram recevaient la légitimité de l’autorité en raison de leur association avec l’expérience, l’université, et peut-être même la science.
  • Augmentation graduelle des demandes: Une abondance de recherches démontre qu’une augmentation graduelle de la taille des demandes est une tactique efficace pour changer les attitudes et les comportements. Dans les expériences de Milgram, on a demandé aux enseignants d’augmenter l’intensité des chocs par petits incréments. La nécessité bien démontrée d’agir et de paraître de façon uniforme aurait rendu difficile pour un participant de refuser d’appuyer sur l’interrupteur de 195 volts après avoir simplement appuyé sur l’interrupteur de 180 volts.
  • Sources limitées d’information dans une situation nouvelle: Comme les Enseignants se trouvaient dans une situation inconnue et qu’ils ne disposaient pas de renseignements ou de ressources supplémentaires, il n’était pas déraisonnable pour eux de s’en remettre à l’expertise de l’Expérimentateur, du moins pendant un certain temps. L’Expérimentateur semblait être un expert qui connaissait très bien la procédure et qui n’était pas alarmé par les réactions des Apprenants aux chocs.
  • Responsabilité non assignée ou diffuse: L’absence de responsabilité a souvent été citée par les psychologues comme un facteur contribuant aux comportements agressifs et odieux. Lorsque les Enseignants de Milgram ont posé des questions au sujet de la responsabilité, l’Expérimentateur a précisé qu’il était lui-même responsable de tout préjudice causé à l’Apprenant. Milgram a signalé que bon nombre de ses participants avaient confié à l’Expérimentateur la responsabilité de leurs propres actions, en adoptant une position de  » juste suivre les ordres  » pour expliquer pourquoi ils continuaient à donner les chocs. Cela a également été démontré lorsque Milgram a modifié l’expérience en faisant administrer les chocs par quelqu’un d’autre que l’Enseignant qui lisait le test à l’Apprenant. Les participants dans cet état ont attribué la responsabilité de blesser l’Apprenant à la personne qui appuiyait sur les interrupteurs.

Une nouvelle étude publiée dans la revue de Cell Press Current Biology ajoute au travail de Milgram.

Des chercheurs du University College de Londres et de l’Université Libre de Bruxelles en Belgique ont découvert que lorsque quelqu’un nous donne un ordre, nous nous sentons moins responsables de nos actions et de leurs conséquences douloureuses.

Patrick Haggard de l’University College a déclaré que lui et ses collègues voulaient répondre à la question suivante:

Peut-être qu’un sentiment fondamental de responsabilité est vraiment réduit quand on nous force à faire quelque chose. Les gens prétendent souvent que la responsabilité est réduite parce qu’ils « obéissaient qu’aux ordres ». Mais se contentent-ils de dire cela pour éviter une punition, ou est-ce que les ordres changent vraiment l’expérience de base de la responsabilité?

Les chercheurs ont cherché à mesurer le phénomène appelé « sens de l’agence » auquel Milgram a fait référence lorsqu’il parlait de ses constatations.

C’est le sentiment que les actions de quelqu’un provoquent un événement externe. Par exemple, Haggard a expliqué que si vous actionnez un interrupteur et qu’une lampe s’allume, vous ressentez souvent que ces événements sont presque simultanés, même s’il y a un décalage.

Auparavant, l’équipe de Haggard a montré que les gens se sentent moins confiants lorsque leurs actions produisent un résultat négatif plutôt que positif. En d’autres termes, les gens perçoivent littéralement un laps de temps plus long entre une action (dans ce cas-ci, les pressions d’une touche de l’ordinateur) et son résultat lorsque le résultat final est négatif par rapport à quand il est positif.

Pour la nouvelle étude, les chercheurs ont mesuré le sens de l’agence de la même façon pour identifier les changements de perception lorsque quelqu’un délivre un léger choc électrique à une autre personne, soit sur commande, soit par son propre choix. Dans d’autres expériences, le préjudice infligé à l’autre personne était une peine pécuniaire au lieu d’une douleur mineure.

Lorsque les participants choisissaient librement, ils étaient encouragés par la promesse d’un petit gain financier. Ils savaient aussi exactement quel genre de préjudice ils infligeaient parce que des paires de participants échangeaient des places entre eux. Ceux qui donnaient des chocs ou subissaient des pertes financières lors de certaines séances d’essai recevaient le même traitement dans d’autres.

Les chercheurs ont indiqué que la contrainte entraînait une augmentation faible mais significative de l’intervalle de temps perçu entre l’action et le résultat par rapport aux situations où les participants choisissaient librement d’infliger les mêmes préjudices.

En outre, ils ont découvert que la coercition réduisait également le traitement neurologique des résultats de l’action personnelle. Les chercheurs ont conclu que les allégations de responsabilité réduite sous la contrainte pouvaient effectivement correspondre à un changement dans le sentiment fondamental de responsabilité – et pas seulement à des tentatives d’éviter la punition sociale.

Haggard expliqua:

Quand vous ressentez un sentiment d’agence – vous vous sentez responsable d’un résultat – vous obtenez des changements de l’expérience du temps où ce que vous faites et le résultat que vous produisez semblent plus proches ensemble.

Il a dit qu’il serait intéressant de savoir si certaines personnes éprouvent plus facilement que d’autres un sentiment réduit d’agence sous la contrainte.

Héritage de Milgram

Milgram a créé un film documentaire intitulé Obedience (Obéissance), montrant l’expérimentation et ses résultats.

Ses découvertes ont été répliquées dans une grande variété de cultures et ont mené aux mêmes conclusions que l’étude originale de Milgram pour la plupart, et dans certains cas de taux plus hauts d’obéissance ont été constatés.

Milgram expliqua et révéla complètement aux participants la vraie nature des expériences juste après qu’ils les aient finis.

Il suivit ses sujets après un an pour s’assurer qu’ils ne souffraient pas à long terme. La majorité d’entre eux (83.7%) a dit qu’ils étaient contents d’avoir participé  et qu’ils avaient appris  quelque chose sur eux pendant les expériences.

Blass a commenté  cela:

Nous n’avons pas besoin de Milgram pour nous dire que nous avons une tendance à obéir aux ordres. Ce que nous ne savions pas avant les expériences de Milgram est juste l’intensité de cette tendance. Et d’avoir été éclairé sur notre spontanéité extrême à obéir aux ordres, nous pouvons essayer de nous prévenir contre des ordres non bienvenus ou répréhensibles.

Voici quelques mots de Milgram:

Quand un individu veut se dresser contre l’autorité, il fait mieux de chercher du soutien pour sa position par les autres dans son groupe. Le soutien mutuel aux uns et aux autres est le plus puissant bastion que nous ayons contre les excès d’autorité.

Cela peut être que nous sommes des poupées contrôlées par les rênes de la société. Mais au moins nous sommes des poupées avec des perceptions, avec une conscience.  Et peut-être que notre conscience est le premier pas vers notre libération.

La psychologie sociale de ce siècle donne une leçon importante : souvent ce n’est pas tant le genre de personne qu’un homme est que le genre de situation dans laquelle il se trouve qui détermine comment comment il agira.

Traduction : Jules Gren.

Article publié le 25 février 2016 sur pfc.net, republié ici.

Source: http://www.jakeshealthsolutions.com/just-following-orders-it-is-shockingly-easy-to-get-people-to-do-bad-things-3520

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